Le reportage de Normand Grondin.
Photo : Radio-Canada
En 2014, une équipe de chercheurs québécois mettait au point une méthode révolutionnaire pour multiplier les cellules souches de sang de cordon ombilical et permettre à un plus grand nombre de patients d'être traités pour leur cancer du sang. Cinq ans et deux essais cliniques plus tard, les résultats publiés dans le journal médical The Lancet Haematology s'annoncent extrêmement prometteurs.
Il y a trois ans, Mathieu Daunais Girouard, un jeune homme de 31 ans, a reçu un diagnostic de leucémie lymphoblastique aiguë, un cancer du sang très agressif.
Il a reçu une première transplantation de cellules souches provenant d'un donneur compatible, sa soeur. Mais quelques mois plus tard, il l'a rejetée et sa santé s'est gravement détériorée.
C'est sûr que plus ça avançait et plus mes options diminuaient. Le pronostic n’était pas en ma faveur, si je puis dire.
L'équipe médicale lui propose alors un traitement expérimental développé entièrement au Québec : une greffe de cellules souches de sang de cordon ombilical modifiées en laboratoire. Je n’avais rien à perdre. Donc, pourquoi pas l'essayer
, confie-t-il.
C'est le médecin hématologue Guy Sauvageau et son équipe de l'Institut de recherche en immunologie et cancérologie (IRIC) qui ont développé cette technique.
C'est ce qu'on appelle de la thérapie cellulaire. Un traitement un peu plus compliqué, mais ensuite le patient est sans traitement pour le reste de ses jours.
Les travaux visaient à découvrir un moyen de multiplier les cellules souches qu'on retrouve dans le sang de cordon ombilical.
Le sang de cordon est le meilleur réservoir de cellules souches pour traiter différents types de cancers du sang et du système lymphatique et celui qui cause le moins de rejets chez les patients. Mais une unité de sang de cordon ombilical contient très peu de cellules souches, si bien qu'on en a rarement suffisamment pour traiter un patient adulte.
Plus de 40 personnes ont été mises à contribution, 5000 molécules ont été testées et, au bout du compte, on en a isolé une, la molécule UM171, qui permet maintenant de multiplier de dix à trente fois, et parfois plus, le nombre de cellules souches qu'on retrouve dans une unité de sang de cordon.
Cette découverte constitue un pas de géant. Avec l'effet multiplicateur de la molécule UM171, on espère pouvoir traiter un plus grand nombre de patients avec du sang de cordon, soit jusqu'à dix fois plus.
Les essais cliniques
En 2016, on a démarré les essais cliniques de phase deux sur l'être humain. Vingt-deux personnes à haut risque de décès ont suivi le traitement, dont Mathieu Daunais Girouard.
Trente mois plus tard, les résultats de cet essai clinique dirigé par la Dre Sandra Cohen, de l'hôpital Maisonneuve -Rosemont et publiés dans The Lancet Haematololgy, dépassent les attentes des chercheurs.
Depuis le début de l'essai clinique, il n'y a eu aucun cas de rejet de la greffe, aucun cas de maladie immune chronique et un seul patient sur vingt-deux est décédé. La greffe semble durable et le système immunitaire des patients se remet plus rapidement que lors d'une greffe conventionnelle.
Ce qui nous a surpris, dit le Dr Sauvageau, c'est qu'il y a parmi le groupe plusieurs patients qui avaient déjà échoué à une première greffe et, aujourd'hui, ils vont bien et n'ont pas récidivé.
Les résultats sont si convaincants qu'on va bientôt démarrer la dernière phase de l'essai clinique au Canada, en Europe et aux États-Unis, et que plusieurs organismes réglementaires en santé, dont la Food and Drug Administration, qui autorise la commercialisation des médicaments sur le territoire américain, suivent la recherche de très près.
Un potentiel commercial
Il faut dire que cette découverte a un potentiel commercial important : plus de 100 000 personnes dans le monde souffrent de diverses maladies du sang qui pourraient nécessiter une greffe de cellules souches sanguines. De plus, une société de biotechnologies 100 % québécoise, ExcellThera, est l'unique propriétaire de la technologie.
La recherche a aussi permis de constater que le traitement stimulait d'autres cellules souches du corps humain. Celles de l'intestin, du thymus et de la peau, par exemple, ce qui pourrait ouvrir la porte à d'autres applications médicales et commerciales dans le futur.
Il y a même des évidences qu'il y a certaines cellules cérébrales qui sont reconstituées par une sous population de la cellule amplifiée par la molécule, explique le Dr Sauvageau. Donc, oui, on commence à penser que des maladies dégénératives pourraient peut-être répondre à ce genre de traitement.
Chose certaine, pour Mathieu Daunais Girouard, la molécule UM171 a rempli ses promesses. Après une longue bataille, il se dit maintenant prêt à retourner sur le marché du travail.
Ça va super bien. Même qu'aujourd'hui, les instruments qui mesurent ce qu'on appelle la maladie résiduelle indiquent que j'ai zéro maladie résiduelle. C'est vraiment comme si je n'avais absolument plus rien.
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