
Après avoir passé plus de 20 ans à risquer sa vie pour sauver celle des autres, le pompier Jean-François Couture lutte contre le myélome multiple, un cancer incurable qu’il aurait développé en s’exposant à des centaines d’incendies. Malgré sa condition, l’homme s’implique pour la recherche contre cette maladie et demeure optimiste de pouvoir retourner au travail.
«Si je raconte mon histoire, c’est pour montrer mon soutien à tous les pompiers du Québec qui souffrent de maladies professionnelles, comme le myélome multiple. Ils n’ont plus à se sentir seuls», affirme l’homme de 46 ans en entrevue.
Les ennuis du pompier du Service de sécurité incendie de Longueuil remontent à janvier 2017. Sans raison apparente, Jean-François s’est mis à ressentir une fatigue accablante. «J’étais épuisé au point où je m’arrêtais parfois sur le bord du chemin pour faire une sieste. Même si je dormais plus de 8 heures par nuit, je me réveillais complètement exténué. Je croyais tout simplement que j’avais besoin de vacances.»
Son état s’est rapidement détérioré. Quelques mois plus tard, en avril, Jean-François est entré d’urgence à l’hôpital de Saint-Jean-sur-Richelieu. On a vite découvert pourquoi il était autant fatigué: ses reins ne fonctionnaient qu’à 10%, et son corps s’empoisonnait. Il a aussitôt reçu une première dialyse pour que son sang soit filtré à nouveau.
Deux jours après son arrivée à l’hôpital, le néphrologue l’a informé qu’il souffrait d’un myélome multiple. Ce cancer prend naissance dans les plasmocytes, un type de globules blancs qu’on retrouve principalement dans la moelle osseuse et qui fabriquent des anticorps, selon la Société canadienne du cancer.
Au Canada, moins d’une personne sur deux ayant reçu le diagnostic survit au-delà de 5 ans.
«Je n’avais jamais entendu parler de cette maladie. Quand je lui ai demandé si ça se guérissait, il m’a répondu: “Oui. Non. Ça va être difficile parce que la maladie est incurable.” On m’a donné une espérance de vie de 2 à 5 ans.»
Jean-François l’ignorait, mais en tant que pompier, il était plus à risque de développer un myélome multiple.
Au cours de ses 23 années de service, d’abord comme volontaire, puis comme permanent, l’homme a été présent sur des centaines de lieux d’incendies, du banal feu de cuisine jusqu’à l’incendie majeur.
La fumée contient plusieurs contaminants, dont le benzène, considéré comme cancérigène chez l’humain. On soupçonne qu’une exposition prolongée à cette substance augmenterait l’incidence de cette forme de cancer.
«Quand j’ai commencé en 1996, les tenues de combat n’étaient pas décontaminées après les incendies, et les gars prenaient leur douche sur une base volontaire. Il n’y avait pas de protocole de sécurité à ce niveau-là parce qu’on connaissait mal les dangers liés aux contaminants. Ce n’est que récemment que des mesures de sécurité supplémentaires ont été mises en place.»
Malgré cette sombre nouvelle, Jean-François assure qu’il a conservé le moral. «Je suis une personne foncièrement positive. J’ai pris ça comme un gros rhume et j’ai dit aux médecins que je leur faisais confiance. Pour ma conjointe, ç’a été plus difficile, mais mon attitude l’a aidée à passer au travers.»
Il a aussi fallu l’annoncer à leurs deux filles, alors âgées de 7 et 10 ans. «On leur a expliqué la situation en leur disant qu’on avait besoin qu’elles soient de grandes filles. Je ne voulais pas que leur vie change. Je souhaitais les préserver.»
Si le myélome multiple est une forme de cancer incurable, il est en revanche possible de prolonger l’espérance de vie et d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes en réalisant une autogreffe de cellules souches. Sous les conseils de ses médecins, Jean-François a d’abord entamé des traitements de chimiothérapie pendant cinq mois.
Après six semaines de dialyse, ses reins se sont remis à fonctionner d’eux-mêmes. «C’était une excellente nouvelle, puisque c’était un prérequis pour recevoir l’autogreffe.»
Son dossier a été transféré à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, où on lui a prélevé des cellules souches dans la moelle osseuse en octobre 2017. Deux mois plus tard, il subissait l’autogreffe. L’opération a pour effet de remettre le système à zéro, mais elle n’est pas sans risque, car le patient devient temporairement très vulnérable aux infections.
«Je suis resté en isolation pendant 26 jours en raison de complications, comme une thrombophlébite et beaucoup de fièvre. Ç’a été un long moment à passer, et je me sentais mal de ne pas être à la maison pour m’occuper de ma famille, mais j’ai dû lâcher prise. J’avais le droit de penser à moi. Quand j’ai compris ça, l’angoisse est tombée.»
Le retour à la maison n’a pas été de tout repos. «Je marchais comme un vieillard de 90 ans, très lent et très courbé.»
Au bout d’un mois, son énergie est finalement revenue.
Si le corps de Jean-François a bien répondu à ses traitements jusqu’à présent, le pompier ignore si son espérance de vie a été prolongée. Une récente biopsie n’a révélé aucune trace du cancer, mais il n’est pas pour autant en rémission.
«Il peut revenir dans un an, dans cinq ans ou jamais», souligne le survivant.
Plus de deux ans après son diagnostic, Jean-François est revenu à la plupart de ses activités quotidiennes, bien que plus lentement qu’auparavant. Le pompier l’avoue: il brûle d’envie de retourner au travail. «Je veux retourner au combat dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Ce n’est pas irréaliste dans mon cas.»
Malgré la maladie, Jean-François s’estime chanceux. Actuellement en arrêt de travail, il vit à l’abri du besoin, car cette forme de cancer est reconnue comme maladie professionnelle par la CNESST depuis 2016. Il a aussi pu compter sur le soutien indéfectible de sa conjointe et de sa famille.
«J’ai des résultats positifs, alors que tant d’autres ne s’en sortent pas. Je suis incapable de rester les bras croisés. Je suis devenu pompier parce que j’aime aider les gens. Si mon exemple peut servir et redonner courage, tant mieux.»
C’est pourquoi Jean-François a récemment mis sur pied – avec un autre patient – un groupe de soutien sur la Rive-Sud de Montréal pour les personnes atteintes du myélome multiple, dont on recense environ 2900 nouveaux cas chaque année au pays.
Il est aussi devenu porte-parole d’une marche, qui a lieu aujourd’hui à Sainte-Anne-de-Bellevue, destinée à recueillir des fonds pour la recherche sur ce cancer.
«Ma cause, c’est le myélome multiple et les maladies professionnelles qui affectent les pompiers. J’aspire à devenir un pompier pivot pour tout le Québec, être là pour répondre à leurs préoccupations, les écouter et leur donner la tape dans le dos dont ils ont besoin pour ne pas abandonner le combat. Je ne le fais pas pour moi, mais pour les autres.»
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