La première fois que Martine Morotti a vu son fils Jérémie faire une crise d’épilepsie, elle a cru qu’elle allait le perdre. «Il a convulsé, son corps s’est raidi, ses yeux se révulsaient, il avait de l’écume sur le bord de la bouche», se remémore-t-elle. Depuis ses 13 ans, Jérémie était atteint de crises tonico-cloniques, touchant toutes les zones du cerveau. Au minimum une par mois, elles se déclenchaient toujours la nuit, jusqu’à ses 21 ans, lorsqu’il est mort à la suite d’une violente crise.
Aujourd’hui, Mme Morotti veut expliquer au plus grand nombre possible cette maladie sournoise. «Je veux que les gens sachent qu’il est possible de mourir d’épilepsie, comme c’est arrivé pour Jérémie», insiste-t-elle. La mère de famille veut parler de cette maladie, mais pas seulement pendant le Mois de l’épilepsie, qui commence ces jours-ci.
Le Dre Andrea Bernasconi, professeur de neurologie à l’Institut neurologique de Montréal s’intéresse de près à l’épilepsie. Au centre médical universitaire à l’Université McGill, il travaille sur un traitement chirurgical qui pourrait guérir la maladie.
«Il faut se rappeler que les médicaments contrôlent, mais ne guériront jamais l’épilepsie», mentionne l’épileptologue, qui précise que près de 60% des cas d’épileptiques peuvent être soignés par la médication. Jérémie était de ceux qui en ont essayé plusieurs types, sans succès.
Pour subir une chirurgie, l’épileptique doit être considéré comme «bon candidat». «En gros, il faut que la résonnance magnétique perçoive que l’origine des crises provient de la même partie du cerveau où il y a une anomalie», résume le docteur.
Bien que le champ épileptique de Jérémie ait été trouvé, il n’était pas prêt à subir une chirurgie. «Comme dans toutes chirurgies, surtout au cerveau, il y a des risques et il ne voulait pas prendre de chance», indique Mme Morotti.
L’incompréhension des écoles
Selon un rapport de Statistique Canada, 25% des répondants ont déclaré que la maladie les limitait d’une quelconque façon en ce qui a trait à la scolarité. Jérémie a fait face à cette réalité, manquant parfois des cours à cause ses nombreuses hospitalisations.
«Les gens pensent qu’après une crise, la personne revient à elle-même et c’est terminé, mais ce n’est pas toujours le cas. Jérémie pouvait passer une semaine à l’hôpital, intubé et il avait de la difficulté à s’en remettre chaque fois», raconte sa mère.
Elle juge que les établissements que fréquentait son fils se montraient peu compréhensifs à son égard, même s’ils étaient au courant de sa condition.
«Au secondaire, certains élèves avec des troubles de l’attention ont parfois droit à plus de temps pour remettre leurs travaux. Pourquoi pas Jérémie? Au cégep, on le faisait sentir mal de manquer des cours», explique Mme Morotti. Elle déplore cette pression qui s’ajoutait sur les épaules de son aîné. «Je trouvais ça lourd pour lui», dit-elle.
Mal connue
D’une certaine façon, Mme Morotti comprend pourquoi les gens ont des jugements. «C’est une maladie sournoise, surprenante, laide, qu’on ne connait pas bien. J’avais moi-même des jugements avant de savoir ce que c’était vraiment», admet-elle.
«C’est pourquoi il faut que les gens en sachent plus», ajoute-t-elle.
Parallèlement, elle confie que même des membres de sa famille travaillant dans le système de santé étaient mal renseignés. «Je sentais que j’allais perdre Jérémie bientôt. Je le disais à mes proches et ils ne me croyaient pas», rapporte-t-elle.
Mais la sensibilisation ne porte pas toujours fruit, se défend la présidente directrice générale de l’Association québécoise de l’épilepsie, France Picard. «On fait ce qu’on peut : panneaux dans le métro, publicité sur Facebook, contenu sur notre site, mais les gens n’y portent pas attention, car c’est une maladie qui peut faire peur.»
Toujours selon Statistique Canada, 39% des sujets ont déclaré éprouver le sentiment d’être mis à l’écart, de rendre les gens mal à l’aise. Mme Picard remarque qu’il est difficile pour les épileptiques d’en parler et de «sortir de l’ombre».
La mère de Jérémie aurait aimé que son fils puisse échanger avec d’autres jeunes, à travers un blogue par exemple, pour voir qu’il n’était pas seul. «Son estime était à la baisse. Il avait honte. Il n’en a parlé à personne», relate Mme Morotti.
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