Marie-Christine, 37 ans, vit à Trois-Rivières. Sabine, 48 ans, dans la ville de Karlsruhe, en Allemagne. Le 29 novembre, malgré la distance et la barrière linguistique, les deux femmes devenues des amies trouveront le moyen de se faire un coucou virtuel. L’anniversaire d’une greffe, ça ne s’oublie pas.
Marie-Christine m’accueille chez elle, partagée entre son côté réservé et son désir de faire sa part pour une cause qu’elle a faite sienne comme les cellules souches qu’on lui a transplantées.
«Je ne peux pas donner de mon sang, je ne peux pas donner de moelle non plus. En fait, je ne peux pas donner grand-chose, mais parler de la fondation Swab the world, c’est ma façon de redonner quand même. Si Sabine, en Allemagne, n’avait pas fait ce don-là, je ne serais pas ici aujourd’hui.»
L’histoire de Marie-Christine débute à l’été 2003. Elle a 22 ans, la santé, des projets à la pelle et un amoureux avec qui elle rêve d’Italie une fois complété son baccalauréat en adaptation scolaire.
Sa vie est parfaite jusqu’au jour où en revenant d’une fin de semaine de camping, la jeune femme sent une petite bosse près de la nuque.
«Ça m’achale. Ça me fait mal.»
Au point de faire un détour par l’urgence où l’attention de l’infirmière au triage est davantage attirée par un ganglion anormalement volumineux à l’avant du cou. Marie-Christine est étonnée.
«Je ne l’avais jamais remarqué. Je n’avais aucun symptôme.»
Sans douleur ne veut pas dire sans danger. Une semaine plus tard, Marie-Christine était opérée pour retirer la masse, le signe avant-coureur d’un lymphome hodgkinien, un cancer du système lymphatique.
La maladie a cédé du terrain après douze séances de chimiothérapie, mais six mois plus tard, alors que Marie-Christine est dans une classe à enseigner, ses doigts se dirigent machinalement vers son cou. Une bosse est réapparue. Rechute.
À l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal où la Trifluvienne est dirigée, on lui annonce qu’il faut passer à l’étape de l’autogreffe qui consiste à recevoir une chimiothérapie à très forte dose avant de se faire administrer ses propres cellules souches qui ont été prélevées et traitées. Saines, elles pourront remplacer celles qui ont été détruites dans la moelle osseuse.
Nous sommes en 2004. Pendant un mois et demi, Marie-Christine est confinée dans une petite chambre stérilisée où le port du masque, des gants et de la jaquette est obligatoire pour chaque personne qui y entre.
Sa mère, Susan Thibodeau, est à ses côtés. «Elle a arrêté de travailler pour passer toutes ses journées avec moi. Elle était mon infirmière, ma préposée, ma nutritionniste... Elle faisait tout.»
Et sa fille s’est remise tranquillement sur pied jusqu’à ce qu’un examen de routine effectué deux ans plus tard, en 2006, la retourne à la case départ. Deuxième rechute.
À ce stade-ci de l’évolution de la maladie, la dernière chance de Marie-Christine est l’allogreffe. Ses cellules souches ne font plus leur boulot et celles de son frère ne sont pas compatibles pour prendre la relève. La Trifluvienne doit se tourner vers le registre international et espérer un match parfait avec un donneur non apparenté.
Le 29 novembre 2006, Marie-Christine Chainé reçoit les cellules souches de quelqu’un quelque part sur la planète, une personne dont elle ignore l’identité, mais qui a eu la bonne idée de se porter volontaire pour faire la différence.
«J’ai été deux mois à l’hôpital avant d’y revenir un autre mois en raison de complications. Je prenais jusqu’à 26 pilules par jour.»
Marie-Christine ne s’est jamais plainte.
À l’hôpital, la jeune femme s’était liée d’amitié avec trois patientes également âgées de 25 ans. Atteintes de leucémie, elles aussi avaient reçu une greffe de moelle. Les quatre filles se promettaient de continuer à se fréquenter une fois guéries. Seule Marie-Christine a survécu.
Elle n’était pas au bout de ses peines pour autant. En 2011, soit cinq ans moins une semaine après cette transplantation, Marie-Christine a passé un nouveau test de routine, ce fameux examen où tous les espoirs sont permis après cinq longues années d’attente, celui qui est supposé confirmer que la rémission est complète, qu’on peut maintenant parler de guérison.
«Je ne me suis pas rendue...»

Troisième rechute.
Marie-Christine n’a pas reçu une troisième greffe, mais une chimiothérapie dite d’appoint. Petit à petit, à force de se faire montrer la porte de sortie, le cancer a fini par plier bagage. Il était temps.
En août 2018, le médecin a écrit «guérison probable» sur le dossier de Marie-Christine Chainé. Ces deux mots réunis à côté de son nom, une première depuis le diagnostic, quinze ans plus tôt, lui ont fait un bien fou.
Ça a été plus fort qu’elle. «J’ai pris une photo.»
Les politiques de confidentialité, de même que la période d’attente, peuvent varier d’un pays à l’autre, mais pour que les communications soient permises entre un donneur et un receveur, il faut obligatoirement que les personnes concernées aient donné leur consentement par écrit.
Marie-Christine Chainé est chanceuse. Sabine Oldenburg avait laissé ses coordonnées au cas où, un jour, la personne qui avait reçu son don de cellules souches souhaitait entrer en contact avec elle.
Ce jour est arrivé en 2012.
«Je lui ai fait parvenir un album photo de moi, de ma famille et de mes amis. On lui a écrit des messages en anglais ou traduits en allemand.»
Quelques mois plus tard, ce fut au tour de Marie-Christine de recevoir un colis par la poste, un livre et un DVD dans lequel Sabine se présentait.
Depuis leurs retrouvailles, les deux femmes n’ont jamais cessé de s’écrire, même qu’en 2014, Sabine est venue rendre visite à Marie-Christine qui lui sera éternellement reconnaissante pour son cadeau inestimable.
L’employée de banque s’était inscrite au registre des donneurs dans le but d’aider un collègue malade, mais ses cellules souches n’étant pas compatibles avec lui, elle avait tout de même laissé son nom sur la liste. Une excellente décision.
Sabine a accepté qu’on lui administre des facteurs de croissance afin que ses cellules souches en santé se multiplient dans sa moelle osseuse et se libèrent dans le sang qui a été prélevé, acheminé vers un séparateur de cellules, expédié au Québec puis transfusé à Marie-Christine.
On appelle ça le don de cellules souches de sang périphérique. C’est la méthode la plus répandue. Le don passe d’un bras à un autre. Pour Sabine, ça impliquait de prendre une petite journée de congé alors que pour Marie-Christine, c’était le début d’une nouvelle vie.
La fondation Swab the world vient de voir le jour avec Mai Duong à sa tête, une Montréalaise d’origine vietnamienne dont l’histoire a été grandement médiatisée en 2014.
Atteinte de leucémie, elle était en attente d’une greffe de cellules souches. Il lui fallait absolument un donneur de moelle osseuse d’origine vietnamienne. Or, les personnes issues de minorités ethniques (non caucasiens) ne sont pas en nombre suffisant dans les registres.
Mai Duong a heureusement survécu. À défaut de lui trouver un donneur, les médecins ont dû procéder à une greffe de sang de cordon. Aujourd’hui en rémission, la publicitaire a lancé cette fondation pour sensibiliser la population de partout sur la planète au précieux don de cellules souches.
Marie-Christine Chainé est son amie. Elle aussi souhaite recruter le plus grand nombre de donneurs, toutes origines confondues. Raconter son histoire est un début. Si une inconnue comme Sabine a changé sa vie, d’autres peuvent le faire.
«J’ai eu beaucoup de la chance, mais ce n’est pas le cas pour tous les patients. Des milliers de personnes attendent un donneur de moelle compatible. S’inscrire au registre est très simple et c’est un incroyable don qu’une personne peut faire de son vivant!»
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