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La résistance aux antibiotiques provoquera une catastrophe sanitaire, prévoit l'OCDE

Dans un nouveau rapport qu’elle publie le mercredi 7 novembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prédit que l’antibiorésistance est en voie d’induire une véritable catastrophe sanitaire. Les infections résistantes aux traitements antibiotiques pourraient entraîner la mort de quelque 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050, prévient-elle.

Pour endiguer cette tendance, l’OCDE recommande l’adoption de mesures simples et peu coûteuses, comme une amélioration de l’hygiène dans les hôpitaux et un emploi plus avisé des antibiotiques afin d’en limiter la surconsommation. Ces mesures ont visiblement porté leurs fruits au Canada, qui a connu une légère baisse de la résistance de huit combinaisons bactérie-antibiotique jugées prioritaires entre 2005 et 2015.

Selon les prédictions du modèle de l’OCDE, l’Italie, la Grèce et le Portugal devraient connaître en 2050 les taux de mortalité les plus élevés parmi les 30 pays de l’OCDE. Actuellement, la résistance aux antimicrobiens est la plus forte dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et elle devrait progresser plus vite dans ces pays que dans ceux de l’OCDE. Par exemple, entre 40 et 60 % des infections sont déjà résistantes en Indonésie, au Brésil et en Russie, contre 17 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Or, d’ici 2030, ces taux devraient croître de quatre à sept fois plus vite dans ces pays que dans ceux de l’OCDE.

« Quand on le compare de façon générale à l’ensemble de la planète, le Canada est un bon élève quant à la prescription d’antibiotiques. Dans certains pays d’Europe du Nord, au Canada et en Australie, la consommation d’antibiotiques est relativement bien contrôlée, contrairement à ce qu’on observe dans les pays d’Europe du Sud. Il y a aussi des pays, comme Israël et Singapour, qui font des efforts et qui possèdent de bonnes politiques de contrôle des antibiotiques, mais qui sont entourés de régions où la situation est plus problématique. Dans certains pays, comme l’Espagne et la France, la consommation d’antibiotiques est beaucoup plus erratique qu’au Canada parce qu’une ordonnance médicale n’est pas nécessaire pour en obtenir », affirme le Dr Karl Weiss, professeur au Département de microbiologie, d’infectiologie et d’immunologie de l’Université de Montréal.

« Au Canada, on a essayé de contrôler la consommation d’antibiotiques [en médecine humaine] et des règles ont été mises en place pour réduire l’emploi des antibiotiques dans le monde agricole, qui consomme près de 80 % de la quantité d’antibiotiques utilisés au pays. Comparativement à la situation d’il y a 20 ans, la consommation a globalement un peu diminué. Elle a surtout baissé dans la population pédiatrique et s’est stabilisée chez les adultes. De plus, le Québec est la province qui consomme le moins d’antibiotiques par habitant. Mais tout n’est pas rose, il y a encore des efforts à faire et des améliorations à apporter. […] Depuis peu, on laisse les pharmaciens prescrire des antibiotiques dans certains cas, ce qui n’est pas forcément bien car plus il y a de gens qui peuvent les prescrire, plus on risque d’accroître la consommation. »

Bien que les prédictions de l’OCDE annoncent une régression de la résistance moyenne au Canada, au Japon et au Mexique, aucun pays ne devrait parvenir à faire reculer la résistance pour les huit combinaisons bactérie-antibiotique jugées prioritaires. Le Dr Weiss rappelle aussi que, même si le Canada est un très bon élève, les gens voyagent et se rendent dans des pays, comme l’Inde, le Brésil ou en Grèce, où ils peuvent contracter des bactéries résistantes et les ramener au Québec. « Quand on passe les frontières, habituellement on ne déclare pas les bactéries qu’on ramène ! » lance-t-il.

Moyens de prévention

Dans son rapport, l’OCDE propose cinq moyens économiquement avantageux pour contrer la résistance aux antimicrobiens. Un premier moyen vise à renforcer l’hygiène en milieu hospitalier — par le lavage des mains, la stérilisation des instruments et un meilleur nettoyage des chambres, des corridors et autres espaces communs — afin de prévenir les infections et la transmission de pathogènes résistants. Le Dr Weiss souligne toutefois que « 75 % de la consommation humaine d’antibiotiques a lieu à l’extérieur de l’hôpital, souvent pour des infections respiratoires, comme les bronchites virales [qui n’en nécessitent pas, car les antibiotiques ne tuent que les bactéries] ». Il ajoute aussi qu’un important problème qui contribue à la résistance dans des pays comme la Chine et l’Inde, qui ont des densités de population très élevées et où la consommation est erratique, voire anarchique, est la contrefaçon. « La fabrication locale d’antibiotiques qui sont de qualité douteuse est problématique parce qu’ils ne sont pas aussi puissants et efficaces qu’ils devraient l’être contre les bactéries. »

Selon l’OCDE, un deuxième moyen de freiner la résistance consisterait à introduire « des programmes de gestion de l’utilisation des médicaments antimicrobiens visant à mettre un terme à la surprescription ». Un troisième moyen aurait pour but d’encourager l’emploi de tests de diagnostic rapide permettant de déterminer si une infection est d’origine virale ou bactérienne. Un quatrième moyen serait de recommander aux patients d’attendre quelques jours avant d’utiliser leur prescription, soit le temps de voir si leur état se détériore. Et cinquièmement, l’OCDE propose de mener des campagnes de sensibilisation auprès du grand public.

De coûteuses conséquences

Pour le Dr Weiss, il faudrait plutôt combattre la contrefaçon des antibiotiques, mieux contrôler l’utilisation des antibiotiques dans les pays où on y a accès sans prescription médicale et diminuer la consommation d’antibiotiques par le monde agricole. Assurément, ces démarches valent le coup car, « quand on arrête de prescrire un antibiotique ou qu’on en prescrit beaucoup moins, la résistance des bactéries disparaît ». Il est donc possible non seulement de stopper la résistance, mais aussi de la faire régresser.

Chose certaine, si rien n’est fait pour lutter contre ce fléau, « une simple coupure au doigt en faisant la cuisine, une intervention chirurgicale bénigne ou une pneumonie pourraient devenir mortelles. Les complications dues à l’antibiorésistance devraient coûter aux 33 pays de l’OCDE et 28 pays de l’Union européenne en moyenne 3,5 milliards de dollars américains par année d’ici 2050. Et les premières victimes de cette antibiorésistance accrue seront les enfants de moins d’un an et les personnes âgées de 70 ans et plus, ainsi que les patients sous chimiothérapie ou ayant subi une greffe d’organe, qui sont plus vulnérables aux infections », souligne-t-on dans le rapport.

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https://www.ledevoir.com/societe/science/540763/l-antibioresistance-est-en-voie-d-induire-une-veritable-catastrophe-sanitaire

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