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Après l'affaire Naomi, une mère témoigne de la négligence des médecins envers son fils

"Entendre tant d’arrogance et de mépris face à la détresse de Naomi m’a beaucoup touchée. Je me suis dit : c’est le moment de parler." Onze ans que Rokhaya Diop gardait pour elle son expérience de la négligence du corps médical. Jusqu’à ce que soit dévoilée cette semaine la mort de Naomi Musenga, 22 ans, le 29 décembre 2017 à Strasbourg. La jeune femme a appelé le Samu quelques heures avant son décès, mais n’a pas été prise au sérieux. Ce tragique incident a eu un grand retentissement dans tout le pays, au point d’inciter Rokhaya Diop à raconter sa propre histoire. 

Quelques semaines après la naissance de son fils, à la fin de 2006, elle remarque du sang dans les selles du bébé. Cette chargée de communication résidant à Boulogne-Billancourt se rend alors au service pédiatrie qui avait déjà pris en charge le prématuré souffrant d’une torsion intestinale. "Il m’a été rétorqué que j’étais trop inquiète." Personne ne le sait encore, mais Ismaël est atteint d’une entérocolite nécrosante. Une pathologie curable par antibiotiques si elle est prise à temps, apprendra-t-on plus tard à Rokhaya.

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Le temps qu’un médecin arrive, la bactérie lui avait rongé le côlon

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Restant sur le diagnostic de la mère angoissée, l’équipe médicale lui envoie un psychologue. Un interne finit par se décider à contacter le Samu. Qui n’arrivera jamais. "On n’a jamais su pourquoi. Le temps qu’un médecin arrive, la bactérie lui avait rongé le côlon." Ismaël subit une résection – on lui coupe une partie de l’intestin –, opération qui lui vaut encore aujourd’hui une importante rééducation.

Les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux

Comme Rokhaya Diop, ils sont nombreux à avoir entendu dans l’affaire Naomi Musenga l’écho de leur propre histoire. Soupçons de simulation, attentes fatales, manque d’écoute et de considération : les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux. Depuis, les permanences téléphoniques des Samu reçoivent chaque jour des appels d’insultes. Six plaintes ont d’ailleurs été déposées dans le Bas-Rhin.

Au cœur de la polémique, une profession, celle d’assistant de régulation médicale (ARM). La personne qui a raillé Naomi Musenga et refusé sa prise en charge par le Samu n’était pas médecin mais permanencière. Premier maillon de la chaîne de l’aide médicale d’urgence, les ARM ont pour tâche de repérer les urgences vitales, de noter le nom et les coordonnées du patient et de transmettre ces informations à un médecin régulateur.

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L’empathie s’apprend ! C’est un outil, une technique de communication

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Une responsabilité importante pour un corps administratif dans lequel on entre en se formant sur le tas. Les nouvelles recrues ne bénéficient d’une véritable formation que si elles passent ensuite le concours de titulaire. Un écueil que pointait clairement un rapport sénatorial de septembre 2017. À la veille de la grande réforme de l’hôpital annoncée par Emmanuel Macron pour fin mai, début juin, les rapporteurs préconisent la mise en place d’une "formation initiale standardisée d’au moins deux ans". 

Des employés du Samu sous pression

Plus que de connaissances médicales, les ARM ont besoin de compétences en communication, estime Adrien*, qui exerce en Île-de-France depuis vingt ans et forme les nouveaux venus. Ce "vieux dinosaure du métier" a été choqué par le "manque d’empathie" de l’ARM face à la  "détresse évidente" de Naomi Musenga. "L’empathie s’apprend ! C’est un outil, une technique de communication." 

Adrien comprend les réactions du public, bien qu’il soit interloqué par leur virulence. "Il faut prendre du recul. Ce qui est arrivé n’est pas la philosophie du Samu. Mais il ne faut pas nier que les gens qui y travaillent subissent de la pression, et qu’on leur laisse une certaine marge de manœuvre." L’ARM attend les résultats de l’enquête. "D’expérience, c’est rarement la faute d’une personne. Une accumulation d’incidents fait que les choses dégénèrent", ajoute Adrien.

Sans rien vouloir excuser, il évoque aussi les conditions de travail. Après une journée en état d’alerte permanent devant quatre ou cinq écrans d’ordinateur, avec des amplitudes horaires pouvant aller jusqu’à dix ou douze heures selon les départements, le 700e appel quotidien demande un effort "épuisant". 

L’employée mise en cause dans la mort de Naomi Musenga était pourtant expérimentée. Plus encore qu’une formation initiale, Adrien plaide pour une formation continue – des "piqûres de rappel" – et des évaluations de pratique généralisées. "Dans les métiers de la santé, beaucoup de routines s’installent. Le retour à la formation devrait être obligatoire. Si on ne se force pas à se remettre en question, l’empathie peut s’oublier."

* Le prénom a été modifié

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