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Il y a près de quatre ans, des chercheurs de l’École de technologie supérieure (ETS), de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal (UdeM) et du Flint Animal Cancer Center de la Colorado State University convenaient d’unir leurs expertises en fabrication additive et en chirurgie oncologique vétérinaire pour tenter de créer des endoprothèses personnalisées pour les chiens. Intitulé Novel Limb Sparing Surgery Using Individualized 3D-Printed Implants in Dogs, leur projet-pilote s’est avéré très prometteur. Déjà, cinq patients canins atteints d’ostéosarcome ont pu bénéficier d’implants créés sur mesure pour leur anatomie.
C’est à l’initiative du docteur Bertrand Lussier, chirurgien vétérinaire, professeur titulaire à l’UdeM et chercheur associé au Centre de recherche du CHUM en chirurgie expérimentale et en maladies rhumatismales, que le projet est né.
Ayant réalisé de multiples chirurgies orthopédiques canines, M. Lussier était à la recherche de solutions pour améliorer le traitement chirurgical de l’ostéosarcome chez le chien.
« Bertrand Lussier savait que l’ETS était en train d’aménager un laboratoire d’impression 3D — le premier de ce type-là au Canada dans une université. Il nous a contactés, mon collègue Yvan Petit et moi, pour que nous essayions de créer par fabrication additive une endoprothèse personnalisée pour des chiens atteints d’ostéosarcome », indique Vladimir Brailovski, éminent spécialiste des matériaux, de la conception et des procédés de fabrication ainsi que professeur en génie mécanique à l’ETS.
Une tumeur complexe à traiter
Il faut savoir que cette tumeur cancéreuse est assez fréquente chez les chiens de grandes races et de races géantes. Touchant principalement la médullaire des os longs des pattes (radius, humérus, tibia, fémur), elle engendre une boiterie et occasionne des douleurs chez les chiens qui en sont atteints. Lorsqu’ils ne sont pas traités, ces derniers meurent en général dans les cinq mois suivant le diagnostic.
Or, les options de traitement de l’ostéosarcome sont pour le moment assez limitées et souvent très invasives. Une des avenues empruntées est la chirurgie pour préserver le membre (limb-sparring). Elle consiste à retirer la partie atteinte par la tumeur et à remplir le défaut créé dans l’os par un implant métallique.
« Ce qui est disponible actuellement sur le marché pour réaliser cette opération, c’est une plaque métallique étroite qui est trouée pour y insérer des vis et qui s’attache à un autre morceau », précise le docteur Bernard Séguin, chirurgien vétérinaire spécialisé en oncologie au Flint Animal Cancer Center et l’un des membres du projet-pilote.
« Ce morceau de métal là n’est fait qu’en deux dimensions, c’est-à-dire 98 ou 122 millimètres, poursuit-il. Lorsqu’on fait la chirurgie, on enlève souvent plus d’os qu’on l’aurait voulu parce que la plus petite dimension est trop grande pour nos besoins. Il arrive aussi que 122 millimètres, ce soit trop court et que ça nous empêche d’utiliser cette technique. Mais ce n’est pas le seul problème. Comme la plaque doit être vissée, il y a différentes composantes à assembler. Il faut aussi plier l’implant pour l’adapter à l’anatomie du chien. Ça fait beaucoup de manipulations. »
Le taux élevé de complication survenant suite à cette intervention constitue également un enjeu. D’après la plus récente étude parue sur le sujet, 96 % des chiens qui la subissent en vivent au moins une.
Une prothèse imprimée en 3D
Peu de temps après la requête du docteur Lussier, les chercheurs de l’ETS, en collaboration avec Anatolie Timercan, étudiant à la maîtrise en génie mécanique à l’ETS, se sont mis au travail. En se basant sur les principes d’ingénierie inverse, ils ont développé un processus leur permettant de créer des endoprothèses personnalisées par impression 3D.
Leur démarche nécessite l’utilisation de CT-scans effectués sur les deux pattes avant des chiens atteints. « On part du fichier obtenu lors de l’imagerie et on le transfère dans un format que les ingénieurs peuvent traiter », explique M. Brailovski.
Des modèles numériques des os du patient sont ainsi créés. Puis, une opération de miroir est réalisée sur le radius sain, qui est subséquemment positionné et orienté de la même manière que le radius atteint.
« On procède ensuite à l’opération de façon virtuelle et on retire les tissus endommagés en suivant les consignes du chirurgien, indique l’ingénieur. Après, dans un autre environnement, on crée un implant à l’aide de logiciels de conception assistée par ordinateur. On crée aussi un guide, donc un outil chirurgical, qui permet de prendre une position par rapport à un repère anatomique. »
Une fois l’endoprothèse et le guide de coupe approuvés par le docteur Séguin, ceux-ci sont envoyés à l’impression.
« Pour l’implant, on travaille avec la fabrication additive — l’impression 3D — à partir de poudres métalliques. Pour ce qui est du guide, il est aussi imprimé, mais il est fait en plastique », souligne M. Brailovski.
Après quelques étapes de finition qui incluent notamment un traitement thermique, un polissage mécanique et un nettoyage dans un bain à ultrasons, l’endoprothèse et le guide de coupe sont expédiés aux États-Unis au docteur Séguin. L’ensemble du processus prend en général entre 14 et 21 jours.
Des résultats encourageants
C’est en septembre dernier que le docteur Séguin a réalisé la première opération avec une endoprothèse personnalisée fabriquée à l’ETS. Depuis, quatre autres patients se sont ajoutés à la liste et le vétérinaire se dit heureux des résultats obtenus.
« Pour le chirurgien, ça fait vraiment une grande différence parce que l’implant va comme un gant et qu’il n’y a aucune modification à apporter, confie-t-il. Ça réduit pas mal le temps d’opération. Pour le chien, il est encore trop tôt pour le dire, d’autant plus qu’on n’a pas la puissance statistique pour l’appuyer, mais à ce jour, il semble y avoir moins de complications qu’avec un implant traditionnel. Nos résultats préliminaires sont extrêmement encourageants. »
Bien qu’il ne considère pas l’endoprothèse personnalisée comme une panacée, le docteur Séguin estime qu’elle recèle un grand potentiel.
« C’est une prothèse qui demeure en métal et qui ne règle pas tous les problèmes, mais c’est un excellent début. Ce qui reste à faire, c’est de trouver la meilleure composition possible de matériaux pour réduire au maximum le risque de complications, notamment les infections. Il faut aussi améliorer le temps de fabrication, parce que l’ostéosarcome peut endommager l’os rapidement, donc on doit opérer très vite après le diagnostic. Si on y parvient, c’est sûr que ce sera une amélioration majeure pour les chirurgiens et les patients. »
Très enthousiaste devant les possibilités qu’offre la fabrication additive, M. Braidilovski espère pour sa part que le projet mènera à de futures initiatives dans le domaine médical.
« Déjà, la personnalisation, c’est quelque chose d’exceptionnel, mais il n’y a pas que ça, conclut-il. C’est une technologie qui permet de créer des structures architecturées à microstructure complexe et d’utiliser les matériaux les plus avancés. Dans le domaine médical, ses applications peuvent être multiples. »
https://www.ledevoir.com/societe/science/524367/quand-l-impression-3d-ameliore-les-traitements-chirurgicauxBagikan Berita Ini
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