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Julien choisit d'être actif et heureux

En mars 2017, la vie de Julien Renaud a pris un tournant qu’il n’aurait jamais pu anticiper. À l’aube de ses 24 ans, le jeune journaliste, joueur de tennis invétéré et passionné de coopération internationale s’est retrouvé en proie à des douleurs physiques intenses. Hospitalisé, il a été le témoin impuissant d’une détérioration rapide de sa condition. Julien s’est soumis à une batterie de tests, pour ensuite retourner chez lui bredouille, sans diagnostic ni prise en charge véritable, la tête remplie de questions sans réponses.

Un an plus tard, Julien demeure dans le néant, incapable de mettre un nom sur ce mal qui a grandement affecté sa condition physique, qui le force à se déplacer en fauteuil roulant motorisé lorsqu’il sort de la maison et à revoir l’ensemble de ses projets de vie (voir sa chronique dans l'écran suivant ou sur le Web).

Tout a commencé avec des douleurs aux bras, qu’il a associées pendant un temps au syndrome du canal carpien. Il s’est périodiquement trouvé aux prises avec des pertes d’équilibre, si bien qu’il s’est procuré une canne. Un vendredi soir, malgré de vives douleurs, il s’est rendu aux bureaux du Quotidien et du Progrès, où il est journaliste, pour amorcer son quart de travail. 

«Pendant la soirée, j’ai senti qu’il fallait que j’aille à l’urgence tellement j’avais mal. Je me sentais faible», a-t-il résumé, en entrevue. À l’hôpital, Julien a perdu le contrôle de ses jambes. C’est à ce moment qu’il a pris véritablement conscience du sérieux de la situation. Les examens et les prises de sang n’ont rien révélé de concluant. Envahi d’un sentiment de confusion et d’incompréhension, il a dû se plier à la consigne de rentrer chez lui, formulée par un médecin. 

«Je ne savais pas comment lever les jambes. Il fallait que je réapprenne à marcher et mon cerveau était complètement déréglé. Après trois jours, un médecin m’a dit que j’étais capable de marcher et que je devais retourner chez nous. On m’a dit : ‘‘Apprends à vivre comme ça’’», relate Julien Renaud, qui a ressenti de la colère et de l’impuissance lorsqu’il est sorti de l’hôpital après une semaine. 

Plus tard, notre collègue s’est soumis à des tests plus approfondis au département de neurologie de l’Hôpital Sacré-Coeur, à Montréal. Toujours rien. Pas de sclérose en plaques, pas de maladie tropicale ou exotique. Rien. Julien a même passé un examen psychiatrique pour déterminer s’il ne pourrait pas s’agir d’une maladie d’ordre psychique. 

«J’étais content qu’on m’envoie pour l’évaluation. Je l’aurais accepté, mais ç’a été écarté. Chaque rencontre que tu as avec un médecin, tu espères avoir une piste. Tu dis : ‘‘annonce-moi n’importe quoi, annonce-moi qu’il me reste cinq ans à vivre et que c’est dégénératif, mais annonce-moi quelque chose’’», exprime-t-il. Julien attire l’attention sur le fait qu’au Québec, autour de 500 000 personnes seraient atteintes d’une maladie rare. Des milliers de zèbres comme lui (voir sa chronique à la page suivante), souffrants et sans diagnostic, souvent laissés à eux-mêmes, isolés et sans services. 

Aberration

C’est un peu en raison de cette «aberration», pour paraphraser le confrère, que ce reportage occupe cet espace aujourd’hui. Animé de la conviction d’avoir été laissé pour compte très tôt dans le processus, il dénonce le manque de ressources d’accompagnement destinées aux personnes vivant avec une maladie rare. Julien ne sait pas si sa condition, qui semble résulter d’une neurotransmission défaillante, est causée par une maladie orpheline. Une chose est sûre : il a le sentiment d’être orphelin de maladie. Et c’est ce qui rend le tout pénible pour lui. L’incapacité de nommer ce qui l’afflige. L’incertitude, le doute, l’impossibilité de prévoir et de prédire. 

Après deux mois passés à Repentigny, sa ville natale, Julien a décidé de revenir au Saguenay, de s’y établir et de reprendre du service au Quotidien

«En juin, j’ai recommencé à travailler, même si je n’étais pas si bien que ça. J’ai décidé que je reprenais le contrôle de ma vie et que je mettais la maladie au second plan. J’ai décidé de venir vivre ici, même si je suis loin de ma famille», a mis en relief celui qui travaille désormais au pupitre, au graphisme et à la mise en ligne.

Julien, 25 ans, considère aberrant que des milliers de personnes comme lui soient laissées pour compte, sans ressources ni accompagnement. Il espère que sa sortie permettra d’informer les gens au sujet de la réalité des personnes vivant avec une maladie orpheline et de sensibiliser la communauté médicale à l’importance de les accompagner et de les prendre en charge.

Être un petit porte-voix

Julien Renaud a beaucoup cheminé au cours de la dernière année et est aujourd’hui prêt à partager son histoire. Bien sûr, le fait de témoigner avec une année de recul est assorti de vertus libératrices. Mais au-delà de l’aspect cathartique de cette sortie, il y a le désir d’informer et de sensibiliser. 

Julien a aussi voulu profiter de cette date symbolique pour informer ses connaissances et son réseau de contacts de ce qu’il advient de lui. «Un genre de coming out», pour employer son vocable.

«Ce que je trouve dur, c’est de ne pas avoir de réponse à donner quand on me pose des questions. Souvent, je dis que j’ai une maladie neuromusculaire rare. Le fait que je n’aie pas de diagnostic me donne aussi le sentiment d’être un imposteur», pointe-t-il.

Malgré la série de petits deuils qui ont ponctué la dernière année, principalement ceux du journalisme terrain, de l’aide humanitaire et de la pratique du sport, Julien est habité d’une résilience et d’une sérénité inspirantes. 

«Je tente de me trouver d’autres passions. Étonnamment, je vis bien avec le fait que je sois malade. Je suis serein. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais mon état d’esprit est assez fort, et les passages à vide sont de plus en plus rares. J’avais le choix de vivre malade et triste ou malade et heureux. J’avais aussi le choix de vivre malade et inactif ou malade et actif. J’ai choisi d’être heureux et d’être actif et je vais me battre pour le rester le plus longtemps possible», martèle-t-il.

Depuis quelques semaines, Julien se sent prêt à parler ouvertement de sa situation et s’est lancé dans quelques recherches au sujet des maladies rares. 

«J’ai été témoin de tellement d’aberrations que j’ai eu envie de partager mon expérience. Si je peux être un petit porte-voix pour le Regroupement québécois des maladies orphelines, si ça peut aider au moins une personne et que ça ouvre le dialogue, ce sera tant mieux», conclut-il.

Le Dr Brais, une lueur d’espoir

Après s’être senti abandonné par le monde médical, une lueur d’espoir prend naissance chez Julien Renaud. La flamme a été allumée par le Dr Bernard Brais des Institut et hôpital neurologiques de Montréal.

Le spécialiste, qui s’intéresse aux maladies neurologiques génétiques d’ici, est une sommité dans son domaine et a trouvé deux traitements possibles pour l’Ataxie de Charlevoix-Saguenay. En novembre, il a accepté de prendre Julien en charge, à la demande de la Clinique des maladies neuromusculaires de Jonquière.

«Ç’a été une grande victoire. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’on pourrait s’enligner dans quelque chose de très long. Il m’a aussi dit que même après 20 ans, il n’abandonnait jamais ses patients. Pour la première fois, j’ai espoir d’avoir des pistes», lance Julien, souriant dans l’attente de résultats de tests génétiques en cours d’analyse aux États-Unis. 

L’entrée en scène du Dr Brais lui permet d’espérer, mais aussi d’être tenu informé puisque le neurologue répond aux courriels de Julien quand il lui formule des questions par écrit. Le spécialiste est donc à la fois phare et bouée pour le jeune homme de 25 ans qui, il y a 18 mois à peine, caressait le rêve de réaliser un second projet d’aide humanitaire en Afrique. 

Plusieurs symptômes

Julien Renaud vit avec des symptômes quotidiens. Douleurs, raideurs et lourdeur aux membres, en plus d’éprouver des troubles cognitifs. Il a de la difficulté à se concentrer et sa mémoire en souffre. Il est en proie à des engourdissements du visage, des spasmes musculaires et des épisodes de douleur aux côtes, au dos et au cou. Julien a opté pour une prise minimale de médicaments dans le but de maintenir sa concentration la plus intacte possible et ainsi poursuivre ses activités professionnelles. Par-dessus tout, il regarde droit devant et maintient la tête bien haute.

«Je vais oser de plus en plus», confie-t-il de cette voix douce qui le caractérise, ajoutant du même souffle qu’il aimerait beaucoup s’offrir un voyager outre-mer, possiblement dans une ville adaptée comme Milan.

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