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Maladies cardiovasculaires: financer la recherche axée sur les femmes donne des résultats - La Presse

(Montréal) Judith Moatti a erré d’un cabinet de médecin à l’autre pendant plus d’un an avant de finalement recevoir — par hasard, dit-elle — le diagnostic de maladie cardiaque qui expliquait ses maux. Elle n’est pas la seule à passer sous le radar, car les femmes sont sous-représentées dans la recherche sur la santé cardiaque et cérébrale et donc dans l’application des connaissances ainsi acquises dans la pratique médicale, rappelle la fondation Cœur + AVC.

Stéphanie Marin
La Presse canadienne

Elle estime toutefois que les choses sont en train de changer, pour le mieux. Et que le financement de la recherche axée sur les femmes donne de réels résultats.

Judith n’avait que 25 ans lorsqu’elle a commencé à être anormalement essoufflée, puis à perdre connaissance sans raison. Son abdomen devint très enflé. À l’hôpital, on a voulu lui enlever sa vésicule biliaire. Sa mère s’est opposée, réclamant d’autres tests. Ceux des maladies auto-immunes revinrent négatifs. Personne ne mettait le doigt sur le problème.

Lors d’un rendez-vous subséquent, elle a remarqué une affiche sur l’hypertension pulmonaire. Les symptômes décrits ressemblent aux siens, a alors souligné l’amie qui l’accompagnait et qui a demandé au médecin de vérifier.

C’était bien le cas. Le diagnostic est tombé : hypertension artérielle pulmonaire et insuffisance cardiaque.

« J’étais en train de mourir », a laissé tomber en entrevue la femme désormais âgée de 35 ans. « Mon cœur a été atteint. »

Puis à ce dur diagnostic s’en ajoute un autre : des palpitations causées par une arythmie sévère. Un stimulateur cardiaque (pacemaker) est installé.

« Ma vie a été bouleversée », se rappelle-t-elle. Son enfant de 5 ans doit aller vivre pour un temps chez ses grands-parents. Finies les sorties avec les amis, le sport et même le travail. La peur causée par le spectre de ces graves maladies et sa vie qui a été jetée sens dessus dessous lui a causé énormément d’anxiété, une dépression grave a suivi et elle a eu des idées suicidaires.

Judith a dû aussi apprendre à vivre avec une machine qui lui distribue par cathéter une médication 24 h sur 24.

Mais plus maintenant. La jeune femme s’était inscrite à un protocole de recherche qui testait l’efficacité d’un médicament. La pilule a depuis été mise en marché et a « changé sa vie ».

La recherche

C’est pourquoi la recherche est extrêmement importante, soutient-elle.

Et c’est ce que démontre la Fondation Coeur + AVC dans son plus récent bulletin intitulé « Donner l’égalité des chances aux femmes ».

Elle fait notamment valoir que le financement de la recherche axée sur les femmes est nécessaire.

Pourquoi ? Parce même si les maladies du cœur et l’AVC sont les principales causes de mort prématurée chez les femmes, les deux tiers des études cliniques portent sur les hommes.

Et les résultats de ces études ne sont pas forcément transposables aux femmes, explique Anne Simard, chef de la mission et de la recherche chez Coeur + AVC.

« De véritables différences biologiques existent entre les sexes, et elles ne sont pas toutes évidentes, dit-elle. Par exemple, le cœur et les artères des femmes sont plus petits, et la plaque s’accumule différemment dans leurs vaisseaux sanguins. »

Les symptômes des femmes peuvent être différents de ceux des hommes ou encore, elles ne réagissent pas de la même façon aux traitements.

Et parfois, il s’écoule beaucoup de temps avant qu’elles soient diagnostiquées correctement. Comme ce fut le cas de Judith.

Lorsque l’on pense à une crise cardiaque, on pense souvent à un homme d’affaires d’un certain âge. Pourtant, les crises cardiaques chez les femmes sont en hausse, donne en exemple Mme Simard.

« En investissant dans la recherche axée sur les femmes, nous acquérons les connaissances nécessaires pour sauver plus de vies. »

Il y a deux ans, Cœur + AVC a lancé sa campagne pour la santé des femmes, qui vise à combler ce fossé en recherche.

Un autre exemple concret est le cas de Jennifer Michaud qui souffre d’une sténose aortique congénitale, un type de valvulopathie. À 29 ans, elle a subi une opération qui lui a sauvé la vie, mais qui l’a laissée dans un état d’épuisement et de douleur durant des mois.

La Dre Marie-Annick Clavel, une chercheuse subventionnée par Cœur + AVC à l’Université Laval, travaille sur un médicament qui cible la cause la plus fréquente de sténose aortique chez les femmes. « L’objectif est de réduire la progression de la sténose aortique, de l’arrêter avec un peu de chance, et de la renverser », affirme-t-elle dans un communiqué. Si ce médicament se révèle efficace, les femmes comme Jennifer pourraient reporter une opération, voire l’éviter complètement.

Coeur + AVC a aussi organisé et financé un concours de recherche axé sur des sujets propres aux femmes : 27 chercheurs se partageront un total de 4,3 millions sur 5 ans. Tous les projets qu’elle finance doivent s’appuyer sur l’analyse comparative et les rapports fondés sur le sexe et le genre.

Aujourd’hui, Judith Moatti dit avoir retrouvé une qualité de vie qu’elle avait complètement perdue.

Elle utilise son énergie pour organiser des groupes de soutien à l’Hôpital général juif. Porte-parole pour le Groupe de Soutien HTAP (Hypertension artérielle pulmonaire), elle dit parler beaucoup de tout l’aspect psychologique pour aider ceux qui souffrent et qui ont notamment de la difficulté à accepter de vivre avec cette grave maladie.

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